Titre du blog : Frisson d'horreur
Auteur : emma2lil
Date de création : 13-07-2013
 
posté le 14-07-2013 à 10:51:54
ça attend que j'éteingne
 
            
              
          
                             
                  
                                                                                                                                         ça attend que j'éteigne
(elle est longue mais génial)
Marie,
 
    
 S’il te plait, je t’en supplie Marie, lis les mots qui vont suivre. Je 
n’ai pas arrêté d’essayer de t’appeler cette après-midi : tu ne m’as 
même pas laissé le temps de m’expliquer ! Comme tu as dû débrancher ton 
téléphone (vu que tu ne réponds plus du tout), j’ai décidé de t’envoyer 
cette lettre. Je t’écris depuis la chambre de l’hôpital psychiatrique où
 l’on m’a interné aujourd’hui. Ca ne va pas du tout pour moi, il faut 
que tu m’écoutes, s’il te plait ne jette pas cette lettre avant d’avoir 
fini de la lire.
     Si cette lettre est écrite au crayon-feutre 
c’est parce que les médecins ne veulent pas me donner de crayon à bille 
ou à plume : ils ont peur que je me fasse du mal avec. Ils n’arrêtent 
pas de dire que je me suis automutilé cette nuit chez moi, mais ça n’est
 pas vrai ! ils ne croient pas ce que je leur dis ! Il y a un quart 
d’heure ils m’ont coupé les ongles tellement courts que ça a saigné un 
peu : Ils disent que comme ça je ne pourrais pas m’infliger de griffures
 et d’écorchures supplémentaires. Le psychiatre à l’air de dire que je 
vis mal notre séparation, mais qu’est ce qu’il en sait !
     Je ne 
veux pas rester ici. D’accord je ne vais pas vraiment bien, mais je suis
 sûr que je ne suis pas fou ! et qui à part toi pourrait m’aider à me 
faire sortir de là ? Tu es ma famille la plus proche depuis que mes 
parents sont décédés. Ça peut paraître un peu sordide ce que je vais te 
dire, mais tant qu’on a pas divorcé, s’il y a bien quelqu’un qui 
pourrait faire des démarches pour me sortir de là, c’est bien toi. 
Ecoutes, si tu ne le fais pas par souvenir de nous deux, alors fais moi 
sortir d’ici et je signe tout de suite les papiers du divorce. Ca va 
presque faire un mois maintenant que tu attends ça, hein ? Si tu me fais
 sortir de là, je les signe sur le champ.
     Je ne veux pas 
continuer à dégringoler comme ça : Si ça continue, si je ne retourne pas
 travailler, je vais en plus perdre mon boulot ! Déjà que ce mois-ci je 
n’y suis presque pas allé à cause de tout ça et du reste : En effet ces 
derniers temps il n’y a pas eu que notre séparation qui a été difficile,
 j’ai eu d’autres problèmes. Ca n’est pas évident à expliquer, et je ne 
sais pas comment te dire tout ce qui m’est arrivé, déjà que ces cons de 
toubibs ne veulent pas me croire, je me demande vraiment si tu me 
prendras aussi pour un fou, mais de toute façon au point où j’en suis...
    
 Bon, depuis le début du mois, après le week-end de la toussaint, enfin 
disons plutôt suite à notre ultime dispute, j’ai fini par dégotter un 
petit appartement après deux nuits d’hôtels : il était assez pourri, 
mais je pouvais le louer tout de suite. Puis j’ai donc pris mon jeudi 
pour venir chercher mes affaires : Excuse moi, mais à ce moment-là tu 
étais obligé d’être aussi désagréable avec moi ? Tu savais que je 
passais, alors tu as vraiment fais exprès d’avoir déjà quelqu’un d’autre
 à la maison ? Tu étais vraiment si pressée d’enterrer nos dix-huit ans 
de mariage ? Je ne te demandes pas non plus d’être éplorée et habillée 
en noir, mais là quand même... Tu ne peux pas savoir à quel point j’ai 
souffert toute la nuit qui suivit, j’étais anéanti. Le lendemain, je 
suis allé travailler, mais j’ai été voir Fred pour lui demander deux 
semaines de vacances : Je me sentais beaucoup trop mal pour pouvoir 
travailler, avec tout ça j’avais besoin de me mettre au vert et de 
m’aérer l’esprit. Bah ! tu connais un peu Frédéric, je t’en ai déjà 
parlé, il est souvent assez chiant pour accorder les congés, mais j’ai 
fini par le faire céder. Donc arrivé le vendredi soir je me retrouvais 
avec deux semaines de repos, j’avais trouvé une maison de vacances à 
louer dans un petit village près d’Albertville, en Savoie. Le lendemain 
midi je suis parti là-bas.
     Les tout premiers jours se passèrent 
bien, l’air de la campagne, le calme, loin de la ville : tout cela 
m’aidait à faire le point, et à mieux supporter la situation. Je passais
 mes journées à me promener dans la montagne, le soir j’allais dans le 
bistrot du bourg du village, et je me saoulais un petit peu avant de 
rentrer me coucher : je n’arrêtais pas malgré tout de ressasser le 
passé, de penser à nous.
     Durant la nuit du lundi au mardi je me 
suis réveillé en sursaut, j’ai poussé un cri tellement j’ai eu peur. 
Pendant mon sommeil j’ai eu l’impression qu’on me grattait sur le dessus
 de là tête, j’étais sûr qu’on m’avait gratté dans les cheveux. La 
sensation qui m’avait tiré du sommeil paraissait réelle, mais quand j’ai
 allumé la lumière, je n’ai rien vu, il n’y avait personne. Je suis 
resté un bon quart d’heure, lumière allumée, allongé dans mon lit à 
regarder au plafond avant de me décider à me rendormir. Sur le moment je
 me suis juste dis que ma dépression me faisait des tours... je le 
croyais, mais plus maintenant.
     Deux nuits plus tard je me suis 
réveillé en hurlant en plein milieu de la nuit pour la même raison : Je 
sentais qu’on me grattait sur le dessus du crâne. Je suis resté assis 
sur mon lit quelques minutes, je n’arrêtais pas de me dire que je 
perdais la boule. J’ai fini par allumer la télé et je me suis endormi 
devant. Au matin, les dessins animés pour enfant m’ont tiré du sommeil. A
 mon réveil, je me suis dit qu’il valait mieux que je ne consomme plus 
du tout d’alcools, fort de cette décision, je passai une bonne journée.
    
 Tu n’as sûrement pas peur dans le noir, non ? Je dois dire que moi 
aussi, cela faisait partie des peurs d’enfants qui m’avaient quittées 
avec le temps. Mais à cause de la nuit précédente, le soir arrivé, je 
n’avais pas trop envie d’aller me coucher. Il est vrai que j’avais envie
 de boire un peu, c’est vrai, mais j’avais surtout un peu peur. Une fois
 allongé, lumière éteinte, je me suis blotti dans les couvertures, je 
gardais les yeux bien clos, on aurait sûrement dit un enfant de cinq ans
 ! Je finis par m’endormir, mais d’un sommeil léger, sûrement à cause de
 la peur, et elle m’a été salvatrice : C’est sûrement à cause de cette 
crainte que je dormis d’un sommeil agité, et que je me suis réveillé 
plusieurs fois au milieu de la nuit. Ce devait être la troisième fois de
 la nuit que j’ouvrais l’œil : tout était plongé dans l’obscurité, on ne
 discernait qu’un léger trait de lumière à la jonction des volets qui 
laissaient filtrer un peu de la clarté de la lune du dehors. Au début, à
 moitié endormi, j’ai pensé que je devais être un peu pris à la gorge et
 que le son que j’entendais devait être le râle de ma respiration. Mais 
je respirais très bien, et plus qu’un râle j’entendais à présent 
clairement le son, non pas d’un râle, mais d’un grognement, comme celui 
d’un chien prêt à attaquer. Il provenait d’à côté de la porte de la 
chambre. Je me blottis encore plus fort dans mes couvertures : j’avais 
peur de bouger. Le grognement s’intensifia. Pris alors de panique, dans 
un mouvement incontrôlé je projetai ma main sur l’interrupteur de ma 
lumière de chevet, et allumais : Le grognement s’arrêta aussitôt, il n’y
 avait rien dans la chambre. J’ai gardé les lumières allumées toute la 
nuit.
     Il me fallut attendre jusqu’au petit matin avant de 
trouver le sommeil. J’ai dormi jusqu’en début d’après-midi, puis je suis
 allé au bistrot du coin : On était le samedi et il y avait un match de 
foot qui passait à la télé, du coup il y avait du monde et ça me 
rassurait d’entendre le brouhaha tout autour de moi : je me sentais en 
sécurité. Je me suis mis à boire, jusqu’au milieu de la nuit. Arrivé à 
la maison, même saoul, je ne me sentais pas très rassuré, je laissais 
les lumières de la chambre allumées avant de m’écrouler sur le lit. Le 
lendemain j’ai passé une bonne partie du dimanche à récupérer de ma 
gueule de bois, mais je me sentais, malgré cela, un peu plus serin : Il 
n’y avait rien eu de bizarre pendant la nuit.
     Le soir venu je me
 suis endormi avec la lumière allumée, j’étais rassuré par la lumière : 
J’avais l’impression de retourner en enfance, mais entre laisser les 
lumières allumées et ne pas dormir, mon choix avait été vite fait.
    
 Je me suis réveillé dans mon lit en hurlant, une douleur atroce au 
torse. J’étais plaqué sur le dos, on m’écrasait le ventre. La pièce 
était plongée dans le noir : La lumière, je ne savais comment, était 
éteinte. J’ai hurlé… oh ! ce que j’ai hurlé ! de douleur surtout, mais 
aussi d’effroi. Ce qui était sur moi hurlait aussi, enfin, plutôt  
émettait une espèce de « gggGGGoooOOOO » guttural, grave et puissant, 
rien que d’y penser, j’en ai des frissons. Je ne voyais rien, juste une 
ombre aux contours indéfinis au-dessus de moi. J’ai tendu le bras et 
essayé plusieurs fois d’allumer la lampe de chevet, mais sans résultat. 
Ensuite je ne sais pas comment j’ai fait pour me dégager, sûrement que 
la poussée d’adrénaline n’y a pas été pour rien, mais j’ai réussi à 
m’échapper de l’étreinte. J’ai couru hors de la chambre, ce qui était 
maintenant derrière moi s’est mis à hurler encore plus fort. Ce truc m’a
 poursuivi, je l’entendais juste derrière moi. Au moment où j’ai allumé 
la lumière, ça hurla, le cri fut déchirant, comme le hurlement d’une 
femme qui se fait agresser. Le temps que je fasse volte-face, le cri 
avait cessé et il n’y avait plus rien derrière moi.
     Comment te 
décrire l’état dans lequel je me trouvais après cela : Tu t’es déjà 
réveillé en sueur, parfois en hurlant après un cauchemar terrifiant, 
puis d’un coup tu réalises que tu es au chaud, en sécurité dans ton lit ?
 Eh bien là c’était l’inverse, je me croyais au calme, en sécurité, et 
je me suis fait agresser : j’étais complètement terrifié, il n’y avait 
plus de lumière et je ne voyais donc rien quand c’était arrivé, et ce...
 cette chose me labourait le torse. Quand c’est parti je suis resté dans
 le couloir, la main sur l’interrupteur. Je suis resté comme ça jusqu’au
 petit matin, je ne voulais plus bouger, je ne pouvais plus dormir : 
j’avais trop peur.
     Je suis retourné dans la chambre à la lumière
 du jour : j’ai compris pourquoi la lumière était éteinte quand c’était 
arrivé : La maison datait pas mal, et les fils électriques ne passaient 
pas par les murs, mais le long de la plinthe : Ils avaient été 
déchiquetés juste avant l’entrée dans la chambre.
     On était le 
lundi, j’avais encore devant moi un peu moins d’une semaine de location 
de la petite maison de vacances, mais je ne voulais plus rester là. 
Franchement je ne savais pas ce qu’il y avait de bizarre dans ce 
village, mais je n’aurais pas voulu aller mener l’enquête auprès des 
habitants : Ils m’auraient sûrement cru fou, et je ne serais de toute 
façon pas resté une nuit de plus dans ce patelin.
     J’ai repris le
 bus puis le train le jour même : Plus je m’éloignais, mieux je me 
sentais : Toutes ces choses avaient eu lieu là-bas, et en partant je les
 laissaient derrière moi. Franchement je ne cherchais plus trop à savoir
 si j’étais fou ou si c’était vrai : j’avais peur, et je voulais 
retrouver ma sécurité et ma sérénité. Au moins l’avantage était que 
notre rupture me tracassait du coup beaucoup moins : Un souci en chasse 
un autre finalement !
     Mais deux nuits plus tard ça à repris : Je
 commençais tout juste à penser à autre chose, que ça reprenait. Je 
m’étais réveillé de nouveau à cause du grognement près de moi dans mon 
lit : Là encore complètement paniqué j’ai allumé la lumière, et tout 
c’est arrêté. J’avais peur, mais ce qui me rendait malade était que je 
n’avais pas pensé que ça m’aurait poursuivi.
     On était le 
mercredi et j’étais donc toujours en vacances, ça valait mieux car je ne
 devais pas être beau à voir : Je n’avais pas dormi de tout le reste de 
la nuit, j’avais bu tout ce qui me restait de whisky, je restais juste 
assis sur le bord de mon matelas à me demander désespérément ce que je 
pouvais faire, et à qui je pourrais demander de l’aide. Plus j’y pensais
 et plus je pouvais constater que j’étais vraiment seul, je ne voyais 
personne en qui j’avais assez confiance pour lui déballer tous ces trucs
 de dingues. A part toi et les enfants j’ai vraiment l’impression que je
 n’ai plus grand monde que je connaisse bien et sur qui je puisse 
compter.
     Pour la nuit suivante j’ai rallumé les lumières dans ma
 chambre, j’avais bien vérifié que le fil passait dans le mur, mais 
c’est le cas pour toutes les constructions d’aujourd’hui. J’avais 
vraiment peur de la nuit qui allait venir, je ne savais plus trop quoi 
faire, au final pour me rassurer un peu plus, j’ai scotché les 
interrupteurs dans ma chambre à grosses doses de chatterton.
     
Durant la nuit je dormis par intermittence, à penser et à ressasser sans
 fin ce qui m’arrivait. Vers les trois heures du matin, j’eus envie 
d’uriner : Je me levais, ouvris la porte de ma chambre, entrai dans le 
couloir. Mon sang se glaça quand j’entendis le rugissement sourd sur ma 
droite, j’eus à peine le temps de bouger qu’une douleur fulgurante me 
fit hurler. Je bondis sur l’interrupteur, la lumière s’alluma, le même 
cri aigu de la dernière nuit dans la maison de campagne résonna, puis 
plus rien. Je suis resté assis sur le sol, adossé au mur, ma cuisse 
saignant lentement par la longue plaie que ça m’avait infligée. J’avais 
vraiment mal, et je me sentais complètement abasourdi par cette 
agression foudroyante que je venais de subir. Je me suis dit que les 
gens qui se font agresser dans la rue devaient ressentir un sentiment de
 dénuement avoisinant. Au bout de dix minutes je me suis décidé à aller 
dans la salle de bain pour soigner ma blessure.
     Disons que si 
les jours précédents je doutais encore que ça craignait la lumière, j’en
 étais complètement sûr après cette nuit-là : La lumière n’était allumée
 que dans ma chambre quand c’était arrivé. J’en ai déduit que ça m’avait
 attendu juste en dehors, je ne l’avais vraiment pas vu venir quand ça 
m’avait sauté dessus : Au moins j’étais quasi persuadé qu’à la lumière 
j’étais en sécurité. Après m’être désinfecté et bandé ma cuisse, j’ai 
bien pensé à appeler la police, mais pour leur dire quoi ? Qu’un monstre
 me saute dessus quand je dors la nuit ? J’ai failli aussi t’appeler à 
ce moment-là, j’aurais peut-être dû, mais je ne voulais pas empirer 
davantage la situation entre nous. Il faut croire que j’avais encore un 
espoir qu’on puisse se remettre ensembles : Et je te rassure, si 
aujourd’hui je t’écris, c’est pour demander ton aide, juste ça, pas 
plus, juré.
     Après réflexion, vu qu’à la lumière j’étais en 
sécurité, je suis allé acheter de gros rouleaux de chatterton, j’ai 
allumé toutes les lumières de l’appartement et j’ai abondement scotché 
les interrupteurs, je n’y étais pas allé de main morte : Ca avait marché
 pour ma chambre, donc je me disais que ça marcherait aussi pour le 
reste de l’appartement, et j’avais raison.
     De nouveau je dormis 
paisiblement. La première nuit, j’eus des craintes, mais il ne se passa 
rien, cela me rassura et je m’endormis assez sereinement les nuits 
suivantes. Mes congés touchaient doucement à leur fin, je commençais à 
repenser au boulot, à notre séparation, à me dire que j’avais peut-être 
un peu perdu la tête avec les agressions que je subissais la nuit : Je 
ne leur trouvais pas d’explication, je finis par admettre un peu l’idée 
que tout ça puisse se passer dans ma tête. J’ai failli t’appeler le 
week-end pour passer te voir afin qu’on décide des dates pour aller en 
finir avec notre mariage : vu que tout ça me faisait perdre la boule, je
 voulais que ça s’arrête au plus vite. Mais je n’ai rien fait, je suis 
resté tranquillement chez moi tout le week-end, à attendre le lundi pour
 reprendre le travail. Je ne m’endormis pas trop tard le dimanche soir 
afin d’arriver en forme au boulot le lendemain.
     Bon dieu ! Je me
 suis réveillé en plein milieu de la nuit dans les ténèbres, tout était 
noir ! Je dis que je me suis réveillé, disons plutôt que je fus réveillé
 par ce qui était en train de me secouer comme un prunier, je hurlais de
 douleur : Ca m’agrippait, comme pris dans un étaux, je sentais ses 
griffes rentrer dans mes épaules. Ca me secouait avec une telle violence
 que quand ma tête heurta le montant du lit, je crus bien m’évanouir. Le
 son que ça émettait, le « ggggGGGoooOOO » grave et guttural, fit place à
 des grognements dès que j’ai commencé à me débattre. J’ai essayé de 
donner des coups de pieds, mais ça me tenait par les épaules et je ne 
pouvais rien faire. Alors prenant appui sur mes jambes, j’ai tenté de me
 dégager en pivotant sur moi-même : j’ai eu très mal, les griffes m’ont 
littéralement déchiré les épaules quand je me suis arraché de sa prise. 
Je reculai vers le pied de lit, je sentis une douleur atroce me 
parcourir le dos, j’entendais maintenant derrière moi comme le hurlement
 d’un cochon qu’on égorge, j’étais complètement terrorisé. Je courus 
hors de la chambre, il n’y avait pas de lumière dans le couloir. Je me 
jetai sur l’interrupteur, mais rien ne s’alluma ! Pris de panique, 
entendant ce qui était derrière moi approcher, je me précipitai dans le 
couloir de l’immeuble, j’allumai la lumière, qui marchait : J’entendis 
alors comme des petits cris de chien battu venant de mon appartement. 
J’étais nu, dans le couloir de l’étage de mon immeuble, les épaules et 
le dos gravement et profondément écorchés, avec ce truc dans mon 
appartement qui allait me sauter dessus dès que je me retrouverais dans 
le noir. Comment voulais-tu que j’aille voir un voisin pour lui dire ça 
et demander de l’aide ? Heureusement que la moquette du couloir était 
sombre, car je pense que sinon les voisins auraient vu au petit matin 
les taches de sang que j’avais laissées. Quant à moi j’avais décidé 
d’attendre que le jour arrive, je m’étais caché dans la cage d’escalier 
de l’immeuble : Je me suis dit que les gens prennent tous l’ascenseur et
 que je ne serais pas surpris si je restais là. Il faisait très froid, 
je n’en pouvais plus. Mon sang, qui avait fini par arrêter de s’écouler 
au bout d’un moment, avait tacheté le sol en béton. Je gardais le doigt 
pressé sur l’interrupteur, craignant plus que jamais de me retrouver 
dans l’obscurité. Pendant tout le temps où je suis resté là à attendre, 
je n’arrêtais pas de me demander comment ça avait pu tout éteindre dans 
l’appartement, pourquoi les lumières ne s’étaient pas allumées quand 
j’avais essayé.
     Quand j’entendis les premières personnes sortir 
de chez eux, cela faisait bien trois heures que j’étais dans la cage 
d’escalier, derrière la porte, nu, en chien de fusil, le bras tendu vers
 l’interrupteur pour tenir la lumière allumée. Principalement j’étais 
frigorifié, je tremblais de partout, et je crois bien que j’aurais fini 
par être en hypothermie si j’avais dû rester plus longtemps là. 
J’entrouvris donc la porte, jetai un oeil dans le couloir, il n’y avait 
personne, la porte de mon appartement était toujours ouverte, je voyais 
de la lumière : Je n’avais pas fermé les volets, et la lumière du jour 
éclairait maintenant mon appartement. Je courus jusqu’à l’entrée, ça 
n’avait plus l’air d’être là : je vérifiais qu’il n’y avait plus rien 
dans chaque pièce, attrapais ma couette au passage dans la chambre, 
retournais à l’entrée, fermais la porte et m’effondrais, le dos contre 
le mur de l’entrée. Je pleurais, j’étais épuisé, je me suis enroulé dans
 ma couette. Quelques minutes plus tard je m’endormais, derrière ma 
porte d’entrée, à même le sol, sanglotant encore.
     Je me suis 
réveillé un peu avant midi. J’avais le dos et les épaules en feu, je 
n’étais évidemment pas allé travailler, n’ayant pas encore le téléphone 
dans cet appartement de fortune, ils n’avaient aucun moyen de me 
contacter du travail. Mais ce n’était pas mon travail qui me tourmentait
 le plus, je voulais savoir pourquoi les lumières étaient toutes 
éteintes cette nuit quand je fus agressé. Je devais être vraiment 
complètement désorienté pour ne pas avoir compris plus tôt : Le compteur
 d’électricité était à l’intérieur de l’appartement, mais tout près de 
l’entrée… et il était coupé. Je ne sais pas comment ça a fait à cause de
 la lumière, mais ça c’était débrouillé. Une heure plus tard, je sortais
 dehors pour aller acheter des bougies, j’en profitais pour appeler au 
boulot et demander un jour de congé car je me sentais mal, mon patron 
n’était pas content. Après mes achats, je revins chez moi, avec un sac 
rempli de bougies.
     Avant que le soleil ne se couche, j’avais 
disposé les bougies un peu partout dans ma chambre. Leurs lumières, 
ajoutées à celles du plafond, emplissaient la chambre. Cela me 
rassurait, et même si le courant était coupé je n’aurais pas été pris au
 dépourvu. Malgré tout je n’arrivais pas trop à dormir.
     Il était
 deux heures du matin, je ne dormais toujours pas. J’entendis le « clac »
 du disjoncteur à m’entrée, les lumières s’éteignirent : C’était là, 
c’était encore venu. Je ne bougeais pas de mon lit, j’avais peur et je 
tremblais, mais avec les bougies ce n’était que la seule pièce éclairée,
 je n’allais donc pas sortir de là ! Sans surprise j’entendis son 
grognement rauque approcher de la porte, puis ça se mit à pousser de 
longs rugissements caverneux, ils s’accompagnaient de sifflements comme 
ceux de la respiration d’un asthmatique, j’étais terrifié : Je restais 
emmitouflé dans ma couette, n’osant plus bouger d’un pouce. Ca n’entra 
pas : Progressivement les cris redevinrent grognements, à cause de la 
lumière des bougies ça ne pouvait pas entrer. Même si j’avais toujours 
peur, je me sentais mieux, plus en sécurité.
     Au bout d’une 
demi-heure j’avais sombré dans un demi-sommeil, je poussais un petit cri
 de surprise quand je vis la porte de ma chambre s’entrebâiller 
doucement. Je vis alors passer le dossier d’une des chaises de la 
cuisine qui balaya les bougies près de la porte, puis le dossier battit 
en vain dans le vide pendant une bonne minute. Les grognements firent de
 nouveaux place aux longs cris graves et sifflants, j’étais encore 
blotti dans ma couette, d’où ne dépassaient que mes yeux, j’attendis 
comme cela jusqu’à six heures du matin. Ca avait encore essayé plusieurs
 fois de renverser d’autres bougies avec la chaise, mais toujours en 
vain. A six heures je m’endormais malgré sa présence derrière la porte 
de ma chambre : je l’entendais toujours grogner.
     Je me 
réveillais encore une fois vers midi, je mis bien une heure pour me 
préparer à sortir : Même si j’avais trouvé la parade, je m’alarmais déjà
 à l’idée de devoir dormir bougies allumées pour toutes les nuits à 
venir. Je fis quelques courses, j’achetais cette fois-ci un plus grand 
nombre de bougies, car elles avaient toutes fini de se consumer. Puis je
 suis allé à reculons dans une cabine téléphonique pour appeler à mon 
travail : J’eus droit à de sérieuses remontrances, je me confondis en 
excuses pour ce deuxième jour d’absence, mais je n’avais pas le choix, 
il fallait que je retourne au travail le lendemain. Je rentrais chez 
moi, une bougie allumée à la main, la peur au ventre, tourmenté par mes 
absences au travail, par notre rupture, complètement apeuré et fatigué. 
Tu sais Marie, je crois que c’est quand ça ne va pas comme ça que la 
solitude est la plus pesante.
     Même si ce ne fut pas de sommeil 
profond, je passais une nuit de repos presque complète. Au réveil, les 
bougies étaient toujours allumées, je n’avais pas entendu de 
grognements. Je suis allé manger un morceau de brioche et me fis un 
café, puis je suis allé prendre une douche : Je ne voulais pas être en 
retard pour reprendre mon travail, surtout que j’allais devoir subir les
 reproches de mes absences, rien que d’y penser cela me tracassait, mais
 de toute façon je ne pouvais pas y couper.
     Je suis allé prendre
 une chemise dans le placard mural de la chambre après ma douche. A 
peine j’avais entrebâillé la porte de la penderie qu’une main osseuse, 
grise et griffue surgit de l’entrebâillement et me saisis au poignet. Je
 n’ai pas eu le temps de comprendre ce qui m’arrivait, elle me tira avec
 une telle force et une telle violence vers le placard que je fus comme 
projeté contre la porte. Le choc m’étourdit, je n’avais plus la force ni
 la volonté de m’échapper, et de toute façon ça ne m’a pas laissé le 
temps de reprendre mes esprits. La main me tira pour me projeter une 
seconde fois sur la porte du placard et ma tête cogna cette fois-ci sur 
le coin de la porte. Je ressentis une décharge de douleur au crâne, tout
 devint sombre, j’entendis un bourdonnement dans mes oreilles, puis ce 
fut les ténèbres.
     Je ne pense pas être resté sans connaissance 
bien longtemps, tout au plus quelques secondes. Je suppose que je me 
suis réveillé à cause de la douleur : Je sentais ses coups de griffes me
 déchirer du haut du visage jusqu’au nombril, elle me labourait les 
chairs, la douleur était atroce, il faisait complètement noir autour de 
moi. Je voulus m’enfuir, je sentis la porte bouger, mais elle devait 
être fermée à clef car malgré mon insistance elle ne s’ouvrait pas. Sa 
patte fit un nouveau un passage complet de mon épaule gauche jusqu’au 
bas des mes côtes : je hurlais de douleur. Poussé par l’effroi je me 
projetais contre la porte, elle s’ouvrit en me laissant tomber sur le 
sol, je relevais la tête, les bougies étaient toujours là, allumées. 
J’avais du mal à garder les yeux ouverts car j’avais de la transpiration
 qui me coulait dans les yeux, je me passais alors la main sur le 
visage, puis l’examinai, elle était recouverte de mon sang. La douleur 
était atroce, je n’arrivais pas à dire où j’avais mal : tout le haut de 
mon corps n’était plus que douleur. Péniblement je me relevais, puis 
décidé à demander à l’aide je me dirigeais au dehors de mon appartement,
 j’avais du mal à marcher, je jetais un coup d’œil à mon ventre, il 
était couvert de sang, je réalisais que j’étais nu, mais je n’avais plus
 de forces, il fallait que je sorte. J’ouvris la porte d’entrée, je 
sortis en m’appuyant sur la poignée, je fis encore quelques pas en 
titubant dans le couloir avant de m’écrouler sur le sol. J’entendis une 
voix de femme dire « Oh, mon dieu », puis plus rien.
     Je me suis 
réveillé il y a quelques heures dans cette chambre, au début je ne 
sentais rien à cause des anti-douleurs, mais je pense que je vais 
maintenant en demander en plus pour passer la nuit car je commence à 
avoir mal. Je me suis regardé tout à l’heure dans une glace, ils m’ont 
bandé une bonne partie du visage : j’ai soulevé un peu les bandes pour 
regarder au-dessous, et ça n’était pas beau à voir : la peau est 
labourée. J’ai fini par pleurer tout en éclatant de rire en me disant 
que mon visage devait plus tenir du steackaché que de celui d’un homme !
 Mon bras gauche, mon torse, et mon ventre sont bandés, je n’ai même pas
 regardé, de toute façon je sais dans quel état ils sont.
     Voilà donc où j’en suis depuis qu’on s’est quittés. j’ai besoin que tu viennes me tirer d’ici. Je ne vais pas...
 
     « Monsieur Le Bail ? »
 
     ... passer ma vie ici à bouffer leurs médic...
 
     « Monsieur Le Bail ?
     - Hmmm, heu, oui… heu… excusez-moi.
     - Monsieur le Bail, il est vingt et une heure, c’est l’heure de dormir.
     - Déjà ? Mais je n’ai pas fi...
     - Il faut aller dormir, c’est comme ça ici, c’est pareil pour tout le monde.
     - Mais ma lettre ?
     - Vous la finirez demain matin, vous pouvez la laisser sur la table, il ne lui arrivera rien vous savez !
     - Mais...
     - Allez Monsieur Le Bail ! Et vous devez prendre vos médicaments avant.
     - Mes médicaments ? j’ai juste mal...
     - Ca vous calmera aussi vos douleurs, et vous dormirez mieux »
    
 Il allait répondre, puis se ravisa, ça ne servait trop à rien de 
discuter avec l’infirmière, de toute évidence elle se bornait au 
règlement. Il se glissa dans le lit, habillé d’une de leur « robe de 
chambre » : un tablier en tissus, fermé à l’arrière par un nœud sur un 
petit cordon. Il se demanda si ça les excitait de voir ainsi les fesses 
des patients à nu toute la journée.
     « Voilà, maintenant prenez vos médicaments »
    
 L’infirmière tendit un gobelet au fond rempli de gélules, puis un autre
 repli d’eau. Il regarda l’infirmière pour lui demander s’il devait tout
 prendre. En voyant son regard fixé droit sur lui, il se ravisa et goba 
toutes les gélules puis les avala d’une rasade d’eau. Le visage de 
l’infirmière passa de l’agacement au sourire.
     « Eh bien voilà, quand vous voulez, vous y arrivez ! »
    
 Sans répondre, il tendit les deux gobelet vides à l’infirmière. 
Celle-ci les rangea sur son chariot puis le poussa jusqu’à la sortie de 
la chambre.
     « Non ! s’il vous plait ! J’ai besoin de la lumière. »
     L’ infirmière gardait son doigt sur l’interrupteur.
     « Vous avez la veilleuse dans le couloir.
     - Oui, mais elle ne fera pas assez de lumière dans la chambre.
     - Bon, Monsieur Le Bail, vous allez dormir. Pour la lumière ce soir c’est non, vous demanderez demain matin au médecin.
     - Mais...
     - Allez dormez, demain vous en parlerez avec le docteur, en attendant j’éteins.
     - Mais...
     Elle éteignit la lumière puis sortit de la chambre sans même le regarder.
 
    
 La veilleuse du couloir produisait un peu de lumière, mais une bonne 
partie de la chambre restait plongée dans le noir. Il s’enfouit sous les
 couvertures, apeuré, à l’écoute de chaque son.
     Le sommeil 
commençait à le gagner, il luttait pour garder les yeux ouverts, il 
avait chaud sous les couvertures, il se sentait bien, détendu, comme 
dans du coton, il avait du mal à garder les yeux ouverts. Il avait 
chaud… il se sentait bien… il avait du mal à garder… comme dans du 
coton… il avait chaud… les yeux ouverts.
     « Hein ! »
     Il 
entendait distinctement le grognement juste à côté de lui. Complètement 
pris de panique il sauta du lit du côté opposé et se rua vers la porte, 
il déboula dans le couloir en hurlant :
     « AU SEECCCOOOUUUURRRS ! AAAUUUU SECCCCOOOUURRRS ! IL Y A QUELQUE CHOSE DANS MA CHAMBRE ! A L’AAAAIIIDDE ! »
    
 L’infirmière qui était passé lui donner les gélules ressortit d’une des
 chambres d’à côté. Une autre infirmière arriva aussi, elles accoururent
 vers lui.
     « On se calme monsieur !
     - AAA LLL’AAAAIIIIIDDE.
     - MONSIEUR CALMEZ VOUS !
     - JE NE VEUX PAS Y RETOURNEEEEEERRRRRR »
     Les deux infirmières se regardèrent d’un air interrogateur.
     « Bon, ben tu lui dis de venir ?
     - D’accord.
     - Je reste ici pour le surveiller en attendant. »
     Il s’adossa contre un mur, épuisé.
     « Ne me laissez pas dans le noir… je ne veux pas retourner dans la chambre.
     - Oui oui monsieur Le Bail, calmez vous, ça va aller.
     - Qui va venir ?
     - Un médecin.
     - Le psy de garde ? hein, c’est ça ?
     - Oui, mais... heu, non... il va juste vous aider à rester cal...
     - JE NE VEUX PAS RETOURNNNEEERRR DANS LA CHAAAAMMMBRRE »
     Le médecin déboula par la porte battante au bout du couloir.
     « ALORS ON N’ARRIVE PAS A DORMIR ?
     - C’EST DANS MA CHAMBRE ! IL Y A QUELQUECHOSE ! C’EST PARCE QUE J’ETAIS DANS LE NOIR. PARCE QU...
     - Monsieur calmez-vous, s’il vous pl...
     - PUISQUE JE VOUS DIT QUE C’EST DANS LE NOIR, DES QU’IL Y A UN COIN SOMBRE C’EST LAAA.
     - Bon allez ! on l’attache et une piqûre, il va comprendre comme ça. »
     Un homme costaud qui était arrivé entre temps lui pris les bras par derrière et le maintint.
    
 « CA VOUS ATTEND DERRIERE LA PORTE DE VOTRE CHABRE, LA OU VOUS N’AVEZ 
PAS DE LUMIERE ALLUMEE ! CA SE JETTERA SUR VOUS PAR SURPRISE ! VOUS 
VERREZ ! ... JE NE VEUX PAS RETOURNER LA DEDAAAAAANNNS !
     - ALLEZ ATTACHEZ LE MOI ! »
    
 Le psychiatre de garde, visiblement fatigué et énervé prêta main forte 
au gros bras qui le tenait toujours fermement. A eux deux, ils le 
traînèrent jusqu’à sa chambre. Ils le plaquèrent sur le lit pendant que 
les infirmières scellaient les attaches métalliques aux poignets et aux 
chevilles.
     « Allez ! maintenant on dort !
     - NOOOOONNNNN, NE ME LAISSEZ PAS LAAAAAAA ! »
     l’infirmière sans prêter attention à ses cris et sans un regard lui fit l’injection dans son bras.
     « Avec cette dose au moins il va dormir, c’est sûr. »
     Ils éteignirent la lumière puis sortirent sans un regard dans sa direction.
    
 « A L’AAAAAAIIIIIIIIIIIDDDDDEEEEE ! LAISSEZ-MOI SORTIR D’ICIIIIIIIIII !
 AAAAUUUU SSSSSEEEEEECCCCCCooooooooOOUuuUrrrs, Aaiiiddeeez mm mm mmoi à 
sort… à sort… à sortiiir d’iciii... A l’aiddde… au… au secours... sss...
 sss... sss’il vous.... ppp... pplaaaiiitt... j... Je... vous... en... 
en... sup... p... ppp... llll... plll... ...  pl... ... ... pl... ... 
... ... »